Par Manesson Chery
Le 19 décembre 1971, au Parc Sainte-Thérèse de Pétion-Ville, Haïti assistait à son tout premier match officiel de football féminin. Ce jour-là, dans une société encore réticente à voir des femmes sur un terrain, peu de spectateurs pouvaient imaginer que, plus de cinquante ans plus tard, une jeune fille née à Mirebalais porterait les rêves de tout un peuple parmi les plus grandes légendes du football mondial.
Ce rêve a aujourd’hui un nom : Melchie Daëlle Dumornay, que le monde connaît désormais sous le nom de Corventina.
Le 7 août 2025, France Football annonce la liste des 30 finalistes pour le Ballon d’Or féminin. Et au milieu des stars internationales comme Aitana Bonmatí, Alexia Putellas ou Sam Kerr, figure une Haïtienne. Oui, une Haïtienne ! Une fille du peuple, une enfant des ruelles, une battante formée loin des centres d’élite européens.
Avant de briller à l’OL Lyonnes Melchie a été façonnée sur les terrains poussiéreux d’Haïti, sans infrastructures modernes, mais avec des éducateurs passionnés et visionnaires. C’est au sein de l’académie Camp Nous, dirigé par des formateurs locaux dévoués, qu’elle a appris les fondements du jeu : technique, tactique, discipline, intelligence et surtout l’amour du ballon.
Ce centre de formation, souvent oublié par les médias, a joué un rôle fondamental dans l’éclosion de ce joyau. Melchie n’est pas un « produit de l’Europe », et le est le fruit d’un travail local, d’un encadrement haïtien, d’une résilience forgée dans les conditions les plus modestes. À travers elle, tous les éducateurs haïtiens peuvent voir la valeur de leur combat silencieux, mené souvent dans l’ombre.
Elle est le reflet d’un rêve haïtien. Un rêve fait de sueur, de foi, de volonté. Les ruelles, les petits matchs de quartier, l’espoir accroché à chaque ballon utilisé… tout cela vit en elle. Ce que Corventina incarne, aucun trophée ne peut totalement le représenter, le potentiel d’un pays que le monde oublie trop souvent d’écouter.
Dans un pays meurtri, souvent traversé par les crises, Melchie est un symbole d’unité et de fierté. Elle rassemble les jeunes, les vieux, les gens d’ici et de la diaspora. Elle rappelle que malgré les difficultés, les enfants d’Haïti peuvent rivaliser avec les plus grandes nations du monde, et même rêver du sommet.
Qu’elle reparte ou non avec le Ballon d’Or le 22 septembre prochain, Melchie a déjà gagné. Elle a conquis l’estime des experts, l’admiration du monde entier, l’amour d’un peuple, et une place éternelle dans l’histoire du football haïtien.
Elle est aussi un phare pour toutes les jeunes filles haïtiennes, la preuve vivante que la grandeur n’a pas besoin de privilèges pour éclore, mais de foi, de travail, et de confiance en ses rêves. Corventina n’est pas seulement une finaliste. Elle est un message vivant. Un drapeau en mouvement. Une victoire nationale.