En 1956, le Président d’Haïti, Paul-Eugène Magloire, a choisi d’organiser un tournoi triangulaire portant son nom, invitant le Panama et le Vénézuela au pays, de quoi vendre les images du Stade Sylvio Cator, inauguré il y avait 3 ans. Le Onze national allait remporter 3 matchs sur 4 lors de cette compétition qui s’était déroulé sur le format aller-retour. La victoire (3-0) lors de la rencontre finale contre les Vénézuéliens fut d’une saveur particulière et décisive.
Paul-Eugène Magloire fut un homme politique, passionné du football. Décédé en 2001, il est le premier président de la République d’Haïti, élu au suffrage universel le 8 octobre 1950. Auparavant, il faut dire qu’il fit partie de la Police de Port-au-Prince comme étant le chef et surtout du gouvernement intérimaire sans oublier qu’il redevint ministre de l’Intérieur et de la Défense nationale. Au pouvoir, Magloire modifia la constitution et mit en place une nouvelle république semi-présidentielle tout en fixant le mandat présidentiel à 6 ans, renouvelable une fois seulement. Il gouverna donc dans une relative stabilité et d’une main de fer. Sous son égide, l’ex-président Daniel Fignolé fut emprisonné. Il fut très populaire au début de son mandat certes, mais sa politique fut contestée par les mouvements communistes et nationalistes avant de se retrouver rapidement isolé au sein de sa propre administration. Paul renonça donc à se représenter pour sa succession et quitta le pouvoir le 6 décembre 1956 sous la poussée de revendications populaires.
Durant ses 6 années dans sa fonction de chef de l’État, le natif de Quartier-Morin a facilité les manoeuvres optant pour la construction d’un stade portant son nom (Stade Paul-Magloire), achevé le 12 juillet 1952, ci-après Stade Sylvio Cator (1953). Le dernier nom a été choisi pour rendre hommage à l’athlète polyvalent haïtien, décédé le 22 juillet 1952, médaillé d’argent du saut en longueur aux JO d’Amsterdam de 1928. Ce fut donc le résultat d’un bon moment de sagesse présidentielle. Pour la petite histoire, il faut dire que c’est Alix dit Sonson Pasquet, un ancien joueur et Président du Violette, devenu Président de la FHF et puissant lieutenant de la Maison Présidentielle, qui aurait suggéré à son supérieur hiérarchique et président de la république, de transformer le Parc Leconte, déjà au service depuis 1913, en stade. Il semblerait qu’à l’époque, ce lieutenant, fils de Dasni Pasquet et Louise Beaufant, avait la ferme conviction que le pays devait se préparer à bien recevoir les équipes de la zone.
Et quelques mois avant qu’il soit parti en exil en décembre 1956, l’ancien chef de la Police de Port-au-Prince, Paul-Eugène Malgloire, organisa un tournoi de football au Stade Sylvio Cator, tout neuf. Tous les matchs allaient être arbitrés par le trio Benito Jackson (Vénézuelien), Eduardo Márquez (Panaméen) et Daniel Beauvoir (Haïtien). Il faut dire que dans les années 1950 et 1960, le carton rouge était très rare. À cette époque, l’homme en noir ne pouvait que faire signe au joueur de quitter le terrain. Les expulsions existaient juste pour les actes violents ou des insultes. À noter, les cartons avaient fait leur apparition officiellement après la Coupe du monde 1966.
La compétition avait démarré le 8 mars 1956, à l’occasion de la journée internationale de la femme. Ce jour-là, la sélection haïtienne avait battu difficilement le Panama (3-2) avec un but de Marco Elie (40e) et un doublé de Phenol Charles en 2e mi-temps. Les 2 réalisations panaméennes avaient été l’oeuvre de César Moreno. Le 9 mars, l’équipe vénézuélienne avait fait son entrée en lice, et ce, face à un Panama fatigué. Malgré l’expulsion de Gutemberg, les Sud-Américains s’imposèrent à la 90e minute grâce à un but de Padín.
Pour la 2e journée, Haïtiens et Vénézuéliens se donnèrent rendez-vous le 10 mars. Avec 2 points chacunes, puisqu’une victoire en valait 2 à l’époque, ces deux équipes n’étaient pas arrivées à se départager, d’où un match nul (1-1). Dans cette rencontre il y avait deux faits marquants. Premièrement, les 2 buts avaient été inscrits sur pénalty. Marco Elie (15e) pour Haïti et Nieto (30e) pour le Vénézuéla. Et puis, le corps arbitral avait expulsé un joueur de chaque équipe: Irazque et le Grenadier Alexandre Legros.
Le Panama semblait définitivement être trop moribond pour le tournoi. Le 13 mars 1956, il avait de nouveau mordu la poussière contre le Onze national (1-2). Antoine Tassy (20e) et Phenol Charles (43e) avaient fait parler la poudre pour les hommes de Baron Paul, alors que Ponce égalisa pour les visiteurs à la 15e minute. Comme on vient de le souligner, les Centraméricains furent dépassés. Un jour plus tard, ils étaient encore une fois tombés de haut (4-2) en butant sur les Sud-Américains pour une 2e fois malgré un nouveau doublé de leur buteur patenté, César Moreno. Il ne restait donc qu’un match et le classement se présentait ainsi:
1- Vénézuéla 5 unités avec une différence +3
2- Haïti 5 points également mais une différence +2
3- Panama 0
Le 16 mars 1956, les deux meilleures équipes du tournoi allaient croiser le fer. Un match nul aurait pu donner le titre au Venezuela, mais le destin en décida autrement. Avec le sélectionneur brésilien Orlando Fanton, la Vinotinto disposa pourtant de beaucoup de bons joueurs pour s’offrir la Coupe Paul-Eugène Magloire. On peut citer: Franklin Alleyne, Aniello Alterio, Álvarez, Cabillón, “Gitano” Nieto,
Gutemberg, Ángel Otero, Heriberto Heredia “Mosquito”, Agustín Matson II,
José Rivero “Joseíto”, Carlos Delgado, Carlos Nogueras, Padín, Gastón Monterola le capitaine, René Irazque et Gómez.
Le match démarrait sous le cap de roue. Les Haïtiens dominèrent de bout en bout les premiers instants de la partie, sans pourtant convaincre. La première période s’acheva sans le moindre but. Au retour des vestiaires, Carlos Delgado était exclu pour conduite anti-sportive, voilà ce qui allait chambouler le cours de la rencontre. Chasseur de buts, Phenol Charles déclencha les hostilités à la 50e minute avant de s’offrir le doublé (74e). Et Verna Gogo, excellent joueur, avait inscrit le but du (3-0, 81e). Score final (3-0) et Haïti remporta le titre.
À noter, Phenol Charles avait terminé meilleur buteur avec 5 réalisations devant le Panaméen César Moreno (4). Voici quelques joueurs haïtiens qui avaient pris part à ce tournoi:
Alexandre Legros, Kerby Georges, Gérald Elie, Jean Kirby, Yvon Dorcéans, Lionel Alexandre, Haig Gérald, Marc Elie, Verna Gogo, Lallemand Camille, Pierre Roc, Emmanuel Joseph, Jean-Claude Antoine, Lavache Louis, André Vieux, Lahans Charles, Tassy Antoine, Luis Jacques, Leger Abel, Desrosiers Paul, Joseph Beaulieu et Paul Bonaventure.