Né aux USA et fils unique de deux parents haïtiens, Ashkanov Apollon est un attaquant qui évolue en France depuis janvier 2018. Auteur d’un début européen canon après des va-et-vient entre l’Amérique et l’Asie, le gaucher de 27 ans s’est découvert des ambitions; entre autres l’envie d’être dans un niveau supérieur du côté de l’Hexagone et de porter les couleurs de la sélection haïtienne. En effet, dans une longue interview accordée à Haïti Tempo, il retrace ses débuts en Haïti, son parcours et s’accentue sur ses objectifs.
HT: Salut Ashkanov, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Ash : Salut à tous ! Je suis Ashkanov Apollon. J’ai 27 ans. Je suis né le 3 avril 1991 aux États-Unis à Boston, Massachusetts. Mes parents sont d’origine haïtienne. Je suis célibataire et je n’ai pas encore d’enfants. L’Artibonite, Port-au-Prince et Jérémie sont les lieux de mes racines. Cela me fait plaisir de répondre à vos questions.
HT: Avez-vous déjà visité Haïti ?
Ash: J’ai passé 4 ans en Haïti (de 2004 à 2008. Je fréquentais le Collège Les Normaliens Réunis à Port-au-Prince. J’y ai vécu une très bonne expérience. C’est là où j’ai appris à m’habituer à la culture, la langue française et surtout au créole que je parle très bien.
HT : Comment avez-vous débuté au football ?
Ash: J’ai débuté quand je suis parti visiter Haïti. Quand j’étais aux USA je ne jouais pas parce que là-bas le sport le plus important c’est le basketball puis le football américain et le baseball. Donc, c’est quand je suis parti en Haïti vers 2004-2005 que j’ai vu tous les enfants allaient sur des terrains et c’est plutot la passion là-bas. Avec mon père (Rony Apollon) qui a joué aussi cela m’a donné l’envie de commencer. C’est en Haïti que j’ai commencé à jouer au foot.
HT: Votre père jouait en Haïti ?
Ash : Oui je ne me rappelle pas à quel niveau mais peut-être plutôt niveau quartier mais il était trop fort. Tous les amis de mon père que je rencontre, ils me demandent si je vais être aussi fort que lui mais je leur ai dit toujours que je vais le dépasser. Je suis en train de faire cela je pense (rires).
HT: Débuté en Haïti, parlez-nous un peu de la façon dont votre carrière a décollé ?
Ash : Vers 2004 je suis venu en Haïti.
C’était le choix de mes parents. En fait, je n’ai pas voulu venir mais ils ont su que cela allait être quelque chose de bien pour moi. J’ai respecté leur décision. Ils m’ont expliqué le plan, je devais y passer 4 ans avant de retourner aux USA. Du coup, Il y avait un club à Canapé Vert, c’est là où j’habitais. Le club s’appelait Union NAC. C’est là que j’ai commencé. Quand mon père m’a amené là-bas, je n’avais jamais joué au foot auparavant, je savais pas encore jouer pourtant tout le monde croyait que j’étais footballeur. Quand on m’a demandé mon poste, j’ai répondu que je suis plutôt offensif et gaucher, soit on me met attaquant soit ailier gauche.
Mon père m’a beaucoup aidé à l’entrainement en voyant mes faiblesses. Cela m’a fait progresser et c’est peut-être parce qu’il a le foot dans le sang. Donc ce sport est vite devenu ma passion.
Après tout cela je suis retourné aux USA pour les études avancées. J’étais recruté par Portland Timbers en 2e puis Washington en première division universitaire. J’avais le choix de rester pour le ”draft” de la MLS ou de partir en Asie. J’avais opté pour le continent asiatique.
HT: Qui vous a contacté en Asie ?
Ash: C’était l’agent d’un ami que j’ai connu à Portland Timbers qui a joué en USL et en MLS. Il est reparti en Asie et c’est son agent qui me suivait depuis longtemps qui m’a demandé de venir en 2014.
HT: L’adaptation à un nouveau continent, comment cela s’est fait ? Pas de nostalgie ?
Ash : Cela n’a pas été très difficile. J’ai été très bien accueilli en Thaïlande. Le pays est très beau. Avec la langue c’est différent mais j’ai appris avec l’aide des traducteurs. La chose la plus difficile a été de côtoyer les gens qui ne parlaient pas l’anglais. Au sein du club (Looktabfah FC en D2) il y avait de l’ambiance et la cuisine asiatique est magnifique.
HT: Et vous avez réussi ?
Ash: J’ai réussi personnellement. C’était mon premier contrat professionnel. J’ai marqué 9 buts et j’ai délivré 5 passes en 13 matchs avec Looktabfah FC. J’avais signé pour la 2e partie de la saison.
Après j’ai dû retourner aux USA en 2015. Je devais rejoindre Seattle Sunders mais j’ai signé avec Kitsap Pumas SC en PDL (Premier Développent League, considérée officieusement comme 4e division) avant de jouer en 2016 avec les U23 de Seattle Sounders.
Je restais pas longtemps. Je suis reparti en Thaïlande puisqu’il y avait des propositions intéressantes.
J’y ai fait encore la 2e partie de saison cette fois avec Samut Sakhon FC, on est champion en 2e division avant de signer le 19 décembre 2016 pour un an avec un club vietnamien de D1, Long An FC. C’est mon dernier club en Asie avant de rejoindre la France.
HT: Pourquoi avez-vous choisi la France et qui vous a repéré ?
Ash: J’avais un agent en France qui me suivait, en Danemark aussi. Il m’a conseillé de rallier la France pour me montrer davantage. Il m’a demandé d’envoyer mon CV et des vidéo à des clubs. Il y avait beaucoup d’intéressés. J’étais suivi par le Club Olympique Choletais en National (3e Division) et Vendée Fontenay Foot en National 2 (4e Division) au départ. Je m’entraînais avec Fontenay mais j’ai dû faire face aux complications au niveau salarial puisqu’en France il y a des règlements pour embaucher les joueurs professionnels. Donc le club n’a pas pu répondre à mes exigences.
Mais maintenant tout va bien. J’évolue en National 3 (5e Division). J’ai signé en janvier avec les Voltigeurs de Châteaubriant. J’ai déjà marqué 6 buts et 5 caviars en 10 matchs.
HT: Quels sont vos objectifs avec les Voltigeurs de Châteaubriant ?
Ash: Tout le monde qui me suit sait que ce n’est pas mon niveau. Je dois jouer plus haut. Mes objectifs sont clairs: jouer en Ligue 2 et Plus tard en ligue 1.
HT: Dans quel poste vous sentez-vous le plus à l’aise ?
Ash: Attaquant de pointe dans un 4-5-1 et attaquant excentré. Je suis à l’aise sur les côté.
HT: À Châteaubriant on vous surnome ”Monsieur Plus”, pourquoi ?
Ash: Parce que je suis le leader technique du groupe. Le plus performant à chaque match. J’apporte toujours quelque chose en plus.
HT: Les supporteurs vous aiment apparemment, dites-nous comment est l’ambiance dans le vestiaire ?
Ash: On m’aime beaucoup. Avec le coach j’ai une très bonne relation. Les supporteurs disent tout le temps que ce n’est pas mon niveau. Je marque des buts et quand on fait cela c’est facile d’être aimé.
HT: Vous dansez, vous chantez et vous apportez de la joie dans courte vidéo qu’on a pu voir après un match que votre club a gagné. Pensez-vous que c’est à cause de votre ‘haïtiannité’ ?
Ash: Oui je pense que c’est exact parce qu’en Haïti c’est comme cela, on fait la fête toujours.
HT: Avez-vous déjà assisté à un match du championnat national ?
Ash : Oui, j’ai déjà regardé des matchs du championnat haïtien. Je me suis entrainé contre l’Aigle Noir, j’ai pu jouer au Parc La Paix à Delmas 2 contre Alexandre Bourcicault. C’était vraiment cool. J’en connais un peu.
HT : Et la sélection…
Ash: J’ai vu la sélection jouer aux USA. C’était à Seattle contre le Pérou lors de la Copa America Centenario en 2016. J’étais également présent lors du match face au Brésil.
HT: Avez-vous été indigné en regardant depuis les tribunes Haïti encaisser 7 buts face aux Brésiliens ?
Ash: C’était décevant mais je savais que le niveau des deux pays est différent. J’ai compris mais on peut faire mieux. Au niveau de l’encadrement des joueurs et du recrutement cela peut être mieux. C’est le Brésil quand même, 5 fois champion du monde, c’est aussi une joie pour nos joueurs de jouer contre des stars comme Dani Alves et Casemiro. Le résultat, on le comprend mais c’était dur à voir. J’étais content quand mon ami James Marcelin avait marqué. Je le connais mieux que tous les autres joueurs parce qu’on a vécu ensemble à Portland Timbers là où l’on a joué ensemble. Cela m’a fait plaisir. Au moins Haïti a marqué un but.
HT: Vous rêvez un jour de porter les couleurs de l’équipe nationale ?
Ash: C’est mon rêve depuis 2004 quand j’ai été au pays en regardant la passion que les enfants avaient. Pour ma famille, ce serait un honneur de porter les couleurs de l’équipe haïtienne. J’ai été aussi repéré par les U23 américains, j’ai été en stage avec eux mais franchement je veux représenter Haïti. Ce pays est dans mon coeur.
HT: Quels sont les Grenadiers que vous aimez le plus ?
Ash: Duckens Nazon. Il est très talentueux. C’est un plaisir de le voir en sélection. Ce serait aussi un plaisir de jouer avec lui aussi. Je lui ai parlé quelques fois. Je suis sa carrière maintenant. Je suis fier de lui.
J’aime aussi Jean Sony Alcenat comme arrière droit il est très bon. Mechack Jérôme je l’aime trop. C’est un défenseur que j’aime regarder avec ses coup-francs. Les autres je ne les connais pas trop.
HT: Quel est votre footballeur préféré ?
Ash: Ronaldinho c’est mon joueur préféré de tous les temps.
HT: Et votre club ?
Ash: Je supporte le FC Barcelone.
HT: On a l’impression que vous êtes polyglotte…
Ash: Oui, je parle 6 langues : l’anglais, français, créole, espagnol, thaïlandais et portugais. Maintenant j’apprends l’italien.
HT: Merci Ashkanov de nous avoir donné du temps pour réaliser cette longue entrevue ! Quelques mots en créole SVP !
Ash: Je vous remercie beaucoup pour l’interview. C’était un plaisir. ‘Nap travay di pou rèv nou reyalize, anyen pa fasil men ak Dieu et péseverans tout bagay posib’. À bientôt !
(Propos recueillis par Childo Geffrard pour haititempo.com)