Haïti-Tempo a eu l’occasion cette semaine de s’entretenir avec l’agent de Sébastien Migné, l’actuel sélectionneur des Grenadiers. Au cours de l’entretien, nous sommes revenus sur l’exercice de la profession d’agent de joueurs tout en abordant quelques points ayant rapport à la Fédération Haïtienne de Football. Plongez dans les coulisses d’une profession exercée par un agent français convoité.
Jérôme Salbert est agent sportif français depuis plus d’une décennie. Il exerce sous la forme sociétaire à travers Global Sport International qu’il dirige, devenu une petite référence sur le plan international dans l’accompagnement des sportifs. Il manage des entraîneurs et joueurs dont un jeune Haïtien mentionné ci-dessous, le Nigérian Júnior Pius évoluant à Chaves, l’attaquant de Curaçao Nigel Robertha, Vital Borkelmans, Corentin Martins ou encore Cláudio Braga (ancien directeur du centre de formation du Maccabi Tel Aviv. Il évoque dans un premier temps pour Haïti-Tempo le métier d’agent sportif, les spécialistes constituant son agence et la pratique de sa profession.
« Je suis originaire de la Guadeloupe. J’ai 39 ans. Je suis dans le foot depuis maintenant 13 ans en tant qu’agent de joueurs FIFA et de matchs FIFA. Je préside la Société Global Sport International, basée à Paris. Mon travail consiste à gérer la carrière de joueurs, joueuses, entraîneurs, mais aussi d’organiser des matchs amicaux pour des clubs et des fédérations.
Je suis entouré d’une équipe d’experts, en premier lieu, conseillée en gestion de patrimoine. Ensuite j’ai une avocate spécialisée dans les litiges internationaux. C’est elle qui s’occupe de tous les contrats de l’agence. Je suis également entouré d’un Community Manager qui est là pour gérer les réseaux sociaux des joueurs. Et il y a une autre équipe qui s’occupe d’aller chercher des partenariats pour tout ce qu’il s’agit de sponsoring pour les sportifs qui ont du potentiel. »
Concernant la phase de recrutement des joueurs et entraîneurs, Jérôme Salbert a sa propre méthode avec des scouts éparpillés dans plusieurs continents. Il s’explique:
« J’ai une équipe de scouts un peu partout dans le monde. J’en ai en Afrique, un scout dans la Caraïbe, un en Amérique du Sud spécialement au Brésil. L’objectif est de repérer de jeunes joueurs et joueuses qui ont la capacité et correspondent au profil des clubs qui nous demandent. Par exemple, actuellement j’ai une demande en Ukraine d’un attaquant et d’un latéral gauche. Le but justement est de travailler en collaboration avec 10 scouts qui sont précieux dans la détection de joueurs.
Aujourd’hui, le fait que j’ai 13 ans dans le foot, j’ai un réseau qui me permet de parler à quasiment tout le monde dans les clubs qui cherchent les bons talents en Europe notamment. Je peux parler avec les directeurs sportifs, les présidents, les responsables de recrutement en Allemagne. Ce métier est un travail de fond puisque le mercato ça se prépare une année à l’avance dans le but de répondre à la demande des clubs. Et là où je vous parle, je me dirige au Standard de Liège où j’ai rendez-vous avec le directeur sportif pour parler du marché de transfert qui arrive.
Pour les entraîneurs, la démarche est différente. Avec les matchs amicaux que j’organise, on tisse des liens dans l’écosystème. Et puis ça permet de construire une relation sur le long terme. Je suis beaucoup l’activité des entraîneurs qui sont actuellement demandés sur le marché, des Français, Portugais et Espagnols qui sont une denrée rare, très prisée actuellement dans le monde du football. »
Jérôme Salbert a joué un rôle prépondérant dans la signature de Sébastien Migné à la tête de l’équipe haïtienne masculine récemment. Avant tout cela, il avait déjà eu une bonne relation avec le Secrétariat de la Fédération Haïtienne à l’époque de Carlo Marcelin. L’agent français voit la qualification pour le prochain Mondial s’iriser dans les yeux des Grenadiers.
« Sébastien Migné est un entraîneur que je suivais depuis pas mal d’années, de par ses résultats en Afrique en tant que sélectionneur du Kenya et de la Guinée Équatoriale. Il a rejoint mon agence et cela n’a pas été difficile de le convaincre. J’ai eu l’information que la FHF recherche un sélectionneur pour surtout disputer les qualifications de la Coupe du monde. Et Sébastien a le profil à 100% puisqu’il avait eu une super expérience avec le Cameroun en tant qu’entraîneur adjoint, en disputant un très bon Mondial 2022 et une dernière Coupe des nations africaines. Et donc, il n’a pas hésité pour pouvoir accepté l’offre. Je ne peux pas vous donner les détails du contrat, c’est confidentiel. En revanche, ce que je peux dire, Sébastien est très motivé pour cette qualification des Grenadiers pour la Coupe du monde 2026 après 50 ans. J’avais deux offres en Afrique pour lui, mais il a préféré le challenge et le rêve pour tous les Haïtiens de se qualifier à la Coupe du monde 2026. »
C’est un plaisir de travailler avec la FHF que je connaissais de par Carlo Marcelin, l’ancien secrétaire général. La proximité, la bonne relation que j’ai eue avec lui, ça a joué. »
Les footballeurs haïtiens sont très peu dans les 5 meilleurs championnats européens. Et tout le monde se pose la question. Jérôme Salbert est de ceux qui suivent nos sportifs. Ils ont un sacré bagage selon l’agent français qui a même repéré un jeune. Il s’agit de Jaylend Vilsaint qui évolue actuellement au Portugal (au SCU Torreense U19).
« Je suis depuis plusieurs années le foot haïtien, je suis vraiment convaincu qu’il y’a des joueurs qui ont un très grand talent et une capacité physique. Une résilience qui est positive dans le foot actuel. J’aimerais manager des joueurs haïtiens. J’en ai repéré un. Les autres viendront. La porte est grande ouverte. »
Passons à une phase importante de l’entrevue. Si la profession fait rêver (perspective de gains importants, relations avec le monde sportif de haut niveau), force est de constater que le métier totalise peu d’élus. Ainsi en France, il y a ceux qui gagnent confortablement leur vie et les autres qui touchent nettement moins. Tous ne sont pas logés à la même enseigne.
« Un agent est rémunéré à la commission sur le contrat du joueur avec une nouvelle réglementation de la FIFA. Les contrats ne peuvent pas excéder deux ans. Et puis il y a un premier pourcentage qui va de 0 à 10%, tout simplement sur le contrat du joueur. Aujourd’hui avec le nouveau règlement, la Fédération internationale a dû réajuster le statut des agents, puisque, avec l’ancien système il y’avait pas mal d’intermédiaires. On avait, entre guillemets, une mauvaise réputation. À présent, notre travail est de continuer à garder les bonnes relations avec les dirigeants des clubs, parce que le monde du foot ça bouge beaucoup et très vite. On peut avoir contact avec un directeur sportif et dans deux ans il peut changer de club. »
Pour en finir, Jérôme Salbert met en avant son côté croyant, en parlant aux jeunes qui vivent en Haïti. Il a fait des références. Le travail finit toujours par payer. Des conseils efficaces.
« Ce que je peux conseiller aux jeunes footballeurs en Haïti… je sais que la situation est extrêmement compliquée. Ça doit être très difficile pour eux notamment au niveau de la tête, du mental, de leur rêve de quitter le pays pour aller jouer en Europe. Mais je leur dirai de ne pas baisser les bras, parce que le foot est un sport compliqué. Ce sont surtout ceux qui sont résilients qui arrivent à faire une belle carrière.
On a vu aussi en Ukraine à la guerre, il y’a des pays comme la Syrie également qui a des difficultés. Le championnat ukrainien ne s’est pas arrêté. L’équipe ukrainienne a pu se qualifier pour l’Euro 2024 malgré des conditions extrêmement difficiles. Ne pas baisser les bras ! Continuez à travailler, à croire que tout est possible. Pour cela j’aime beaucoup un verset de la Bible: Tout est possible à celui qui croit. »