Depuis le trophée remporté par Bernard Robillard en 1980 aux Jeux Panaméricains, le jeu de Dames est devenu à part entière une discipline sportive très prisée en Haïti, ce qui a conduit à la formation d’une nouvelle génération montante qui a donné Anthony Alexandre (champion en 2003) et Ricardo Pierre (2007 et 2009). Kenson Sainlor est celui qui a gagné la version 2020 du championnat national haïtien après avoir devancé Talien Louis au classement, il a du coup validé son billet pour le prochain Jeux Panaméricains et nourrit l’idée de s’adjuger le titre tour comme ses prédécesseurs.
C’est avec cet objectif que le Capois a accepté de se confier à Haiti-Tempo, une interview dans laquelle, il retrace son passé et nous parle d’autres choses.
HT: Vous voulez bien vous présenter au public pour commencer ?
KS: Salut Haiti-Tempo, plus particulièrement toi Gary de m’avoir accordé cette opportunité pour m’exprimer. En effet, je suis Kenson Sainlor, actuel champion national en jeu de dames. Je suis Capois, j’ai 29 ans et j’ai commencé à pratiquer ce jeu depuis l’âge de 9 ans. Déjà c’est un plaisir pour moi de communiquer avec toi et je salue tous les super branchés de l’agence ainsi que les fans sportifs dont ceux qui aiment les jeux d’esprits.
HT: 9 ans ? C’est très tôt, quand, où et comment avez-vous débuté ?
KS: Effectivement 9 ans, à l’époque, j’ai été au Collège Jean 23 et après les classes, j’ai pris l’habitude chaque jour d’aller assister aux matchs des grands Damistes de la ville pour aller m’entraîner par la suite avec les gars de mon âge en prenant des bouchons cola, coca ou d’autres du même genre. En gagnant de très souvent contre mes copains et ce, avec de la manière, un jour j’ai été invité par ces mastodontes à jouer contre eux et les résultats ont été positifs, ainsi j’ai commencé à côtoyer les grands. À 12 ans j’ai pu disputer ma première compétition à la FOSREF et j’ai été battu sur le fil par des joueurs comme Personnat et Patrick Edmond, pourtant icônes au Cap-Haïtien. Après avoir joué un second tournoi où j’ai été champion et un 3e, tenu à Limonade où j’ai été sélectionné pour le Cap, j’ai pris la 2e place derrière Personnat avec le même nombre de points que lui, voilà comment je suis devenu populaire dans cette discipline sportive. Un type comme Patrick Edmond m’a beaucoup aidé dans ce chemin aussi avec des ouvrages de Jeu de Dames.
HT: Dans le Nord oui, mais à quand datent vos premiers pas sur le plan national ?
KS: Ce parcours n’a pas été facile, j’ai dû me sacrifier et j’avais le support de toute ma famille particulièrement mon père, malheureusement décédé aujourd’hui. Mais il faut dire que Port-au-Prince et Cap-Haïtien sont considérés comme deux villes bastion du jeu de dames où on retrouve les meilleurs Damistes du pays, cela implique qu’être dominant dans le Nord c’est être dominant théoriquement sur le plan national. En 2012, à 21 ans j’ai pu décrocher mon premier titre national à Leogane.
HT: Benh… raconte-nous comment cela s’est-il passé ?
KS: C’était une très belle compétition et cela m’a beacoup marqué (rires). Après avoir soulevé le trophée de la phase régionale au Cap-Haïtien, j’étais face aux lauréats et deuxièmes de chaque ville pour le tour national et là, j’ai surpassé tout le monde, dont un succès contre Mackendy Saint-Juste dit Babysson, puis à la dernière journée, j’ai obtenu un nul contre le fameux David Celhomme, ancien champion national, pour remporter le titre. Je me rappelle bien immédiatement que c’était terminé, un journaliste du Cap, Francky Dolcé m’avait contacté pour passer en direct sur une station de radio dans le Nord, ce fut une grande joie.
HT: Et ce premier succès national a-t-il ouvert accès aux options mondiales ?
KS: Effectivement, cela m’a donné une grande popularité sur l’ensemble du pays avec des interviews télévisées, radio etc. Comme vous le savez, ce tournoi a ouvert la porte aux jeux Panaméricains en 2014; malencontreusement j’ai loupé cette compétition pour des raisons administratives vu que mon passeport était expiré et ceci n’a pas été renouvelé à temps pour prendre part au voyage au Brésil qui était l’hôte de ces jeux. “Donk problèm peyi”.
HT: Vous êtes de nouveau champion national 8 ans après et qualifié encore une fois pour les Jeux Panaméricains, quels sont vos perspectives ?
KS: Permettre à Haïti de remporter un 5e titre PANAM en jeu de Dames. Bernard Robillard avait tracé la route en 1980 et Anthony Alexandre l’a continué en 2003 avant le doublé de Ricardo Pierre (2007 et 2009), donc pourquoi pas moi en 2020 ? Je veux également participer au championnat du monde en Russie à la fin de l’année et cela passera forcément pas une bonne performance au PANAM. Je veux atteindre le niveau de Ricardo Pierre, reconnu comme Grand Maître international, Haïti a le droit d’avoir un second GM et Kenson est dans la course !
HT : Justement, les Jeux Panaméricains sont prévus dans un mois en République Dominicaine comment comptez-vous aborder les préparations ?
KS : Le championnat est prévu du 25 avril au 4 mai, donc le moment à venir c’est le moment de préparer mon organisme à la compétition, de me dépasser et de redoubler d’efforts pour aller chercher le titre, au pire des cas, être dans le top4 pour valider mon billet pour le Mondial. Et cette année il n’y aura pas de problème administratif, mon passeport est à jour et la République Dominicaine n’est pas trop loin, le voyage peut se faire en bus au cas où les moyens seraient limités. Je veux accomplir l’exploit de Ricardo Pierre.
HT : Le championnat national a été organisé par un comité formé des différents représentants des 6 Départements où l’on pratique le Jeu de Dames en Haïti : l’Ouest, le Nord, le Nord-Est, l’Artibonite, le Sud et le Sud-Est, mais pas la Fédération, pensez-vous que tout sera réglé administrativement pour participer à cette compétition ?
KS : Ce n’est un secret pour personne, tout le monde sait que la Fédération Haïtienne de Jeu de Dames fonctionne au ralenti et ce depuis belle lurette, c’est l’inorganisation totale. Les nombreux et talentueux damistes haïtiens s’organisent donc pour faire des compétitions sporadiques afin de percer sur le plan international. En réalité, la Fédération ne sait pas grand-chose à propos de nous, il revient donc à nous les joueurs et des particuliers comme ce comité de nous s’unir pour mieux aider à la pratique du jeu de dames en Haïti.
HT : Dans ce cas, qui va prendre en charge le voyage vers la République Dominicaine pour le PANAM et les autres frais liés à cette compétition ?
KS : Nous les damistes ! Avec le support des fans et peut-être des sponsors. De toute les façons, on ne peut pas nourrir des motifs d’espoir avec cette fédération.
(Propos recueillis par Gary Eliézer pour haititempo.com)