La sélection haïtienne remportait sa deuxième coupe des nations de la caraïbe un soir du 23 janvier 2007 avec un groupe composé de 18 joueurs dont un certain Stéphane Guillaume qui jouait comme latéral droit. Aujourd’hui âgé de 33 ans, le Saint-Marcois, après avoir arrêté sa carrière à cause des blessures, est resté dans le monde du ballon rond et s’occupe actuellement de l’Académie de football du FC Barcelone basé en Floride du côté des États-Unis, il a également lancé son centre de formation et est devenu chroniqueur sportif. Haïti-Tempo a discuté avec lui.
HT: Vous étiez parmi les 18 Grenadiers qui ont fait rêver Haïti en 2007 en gagnant la coupe caribéenne des nations, 10 ans après, comment Stéphane Guillaume peut nous décrire ce sacre ?
SG: Ça représente beaucoup pour moi, c’est la plus grande consécration que j’aie connu sur l’ensemble de ma carrière. Je me souviens très bien qu’il y avait de tas de problèmes au pays et tout le peuple attendait quelques choses de positif de la sélection pour retrouver un peu de sourire. On avait fait une croix sur les fêtes de fin d’année, passé les 24, 25, 31 décembre et le nouvel an en dehors du pays, un sacrifice qui avait suscité la détermination de tout un chacun, voilà la raison pour laquelle je ne voulais pas lâcher le drapeau après avoir gagné cette coupe caraïbes, je le garde encore jusqu’à maintenant. Je me sens privilégié d’avoir été parmi ces Grenadiers qui ont soulevé ce trophée. “Se yon fanmi mwen pap janm bliye.”
HT: Disons un trophée plutôt spécial tenant compte des générations avant et après qui n’ont pas réussi à le soulever, sauf celle de 1979…
SG: Oui, sans aucun doute. On a fait des grands matchs qui ont permis à Haïti de faire des bonds spectaculaires au classement FIFA, mais qui ne représentent pas un trophée, c’est aussi vrai qu’on a disputé la Gold Cup à maintes reprises et tout récemment la Copa America, un gros exploit; mais qui ne valent pas non plus un trophée, donc je suis sûr et beaucoup devront l’admettre, cette génération de 2007 a fait ce qu’il fallait en donnant à Haïti son plus grand trophée.
HT: Contrairement à votre époque où la sélection était composée essentiellement des joueurs locaux et amateurs, la réalité d’aujourd’hui est bien différente avec des professionnels évoluant à l’extérieur, qu’est ce qui explique selon vous malgré cette ascension qu’il n’ y a pas d’autres trophées ?
SG: Effectivement qu’il y a plusieurs expatriés qui émergent dans cette génération et les talents ne manquent pas non plus; cependant l’effectif n’est pas encore bien soudé en un groupe uni au service d’un collectif pour donner une véritable cohésion d’équipe où les joueurs vivent ensemble comme une famille, partagent le même objectif, la même douleur et je vous le dis, c’était la force de l’équipe de Luis Armelio Garcia, on avait formé un monde idéal avec des joueurs connectés l’un à l’autre et ça se sentait sur le terrain. “Lè Bruny Pierre Richard, Peter Germain ap reveye mwen pandan mwen te konn nan fon dòmi pou m’al chache glas pou yo pou met sou pye yo, menm lè dòmi an byen gou mwen te oblije leve (rire…) men pou mwen se te yon plezi.” Voilà un exemple concret.
HT: En parlant de l’entraîneur Luis Armelio Garcia, Croyez-vous qu’il pouvait réussir avec la génération actuelle ?
SG: Ah oui, absolument !!!! Il n’ y pas de doute là-dessus.
HT: Selon vous, qu’est-ce qui explique que l’on soit si brillant chez les jeunes mais moins bon en senior dans la zone Caribéenne ?
SG: La réponse est simple. Il y a une nécessité de donner un bagage beaucoup plus complet à tous les jeunes footballeurs dans les centres de formation. Au pays il y a plusieurs écoles de football mais sont-elles vraiment à la hauteur de leur tâche ? Simulons avec ceci: considérons que vous et moi nous sommes deux entraîneurs de jeunes de 10, 11 et 12 ans, avec vos joueurs, vous vous appuyez sur le jeu de possession, de passe et de patience, des bonnes bases tactiques, pressing à la perte de balle, etc. et moi je me focalise seulement sur le désir de gagner en enseignant à mes poulains la frappe de balle et de longue passe, sans tenir compte des choses précitées, je vous assure, dans cette catégorie d’âge mon équipe sera meilleure que la vôtre dans des confrontations directes cependant, ce sera autrement dans 3 ans parce que, vous inculquez la notion du jeu à vos footballeurs alors que moi j’enseignais que des trucs pour gagner des matchs. Je pense que c’est ça le mystère, le gros écart entre les jeunes et les séniors haïtiens.
HT: Maintenant, vous êtes entraîneur formateur dans une académie Barcelonaise aux États-Unis (FCB Escola), dites-nous, comment avez-vous décroché ce job?
SG: J’étais encore joueur de Fort Lauderdale Strikers quand j’avais pris l’habitude de travailler avec les U-12 de cette formation, et après une nouvelle opération des ligaments croisés, j’ai arrêté de jouer. Un entraîneur de l’encadrement technique du club qui a aimé ma façon de travailler avec ces enfants, m’a demandé si je voulais devenir coach, je lui ai répondu positivement puis, m’a invité à tenter ma chance à l’un des camps du FC Barcelone, j’ai passé deux semaines avec plusieurs entraîneurs formateurs de cette équipe où j’ai découvert pas mal de choses. Après trois séances de coaching devant les responsables du camp et surtout une analyse de mon CV, ils m’ont recruté pour renforcer le staff technique du FCB Escola.
HT: Y a-t-il une possibilité pour que le FC Barcelone ouvre une académie en Haïti?
SG: Je ne suis pas encore prêt à répondre. Je l’ai déjà évoqué avec le manager; malheureusement je ne peux pas partager pour l’instant sa réponse. Mais Je souhaite vivement un jour que même nos petits enfants voient cela en Haïti.
HT: Vous êtes propriétaire d’une académie “Stéphane Guillaume Academy” mais aussi présentateur d’une émission sportive télévisée en Floride aux États-Unis, parlez-nous un peu de ces activités ?
SG: Depuis 2011, j’organise un évènement à Saint Marc baptisé “to give back to the community” puis un match de charité mettant aux prises mes amis, des internationaux comme Kervens Belfort, Peter Germain, Pierre Richard Bruny, Jean Sony Alcenat ( Tiga ), Olrich Sorel, pour ne citer que ceux-la, ont déjà participé dans cette grande fête.
l’Académie Stéphane Guillaume a été lancée en 2013, elle est une entité oeuvrant dans la formation des jeunes footballeurs à Saint Marc. On a un effectif de 90 enfants qui sera réduit sous peu pour conserver les meilleurs. L’émission Sport Mag est diffusée sur Ayiti TV en Floride, vous êtes tous invités à regarder, critiquer. “Mwen garanti w chak fwa gade emisyon sa ou pap desi. Channel Youtube: Ayiti TV Sport Mag.
HT: Après le passage de l’ouragan Matthew, il parait que vous avez été touché parce qu’on vous a vu collecter les aides pour aider les personnes affectées. Dites-nous comment avez-vous fait pour y parvenir ?
SG: Je ne voulais pas rester indifférent après le passage de cette catastrophe. J’avais envoyé des courriers partout pour trouver d’aides nécessaires et j’avais aussi utilisé ma voix et mon visage pour demander les supports pour Haïti particulièrement les zones qui n’ont pas été touchées. Grâce aux organisations et fans de l’équipe de Fort Lauderdale et celles de l’académie du FC Barcelone et les parents, on a réussi à collecter 50 boites de vêtements, nourritures etc. Jean-Marc Alexandre, malgré son état de santé, a toujours été là quand il s’agissait d’embarcation et les aides nécessaires. Nous avons dépensé nos fonds propres pour payer les colis pour envoyer en Haïti. Remerciements spéciaux à l’ancien capitaine de la sélection nationale sans oublier Pascal Milien qui a été disponible pour nous au moment opportun.
Heureusement tout a bien fonctionné et je peux vous confirmer qu’avec l’appui et la contribution de Panel Guerrier et du Victory SC, Nous sommes arrivés à distribuer les dons dans de nombreuses zones qui n’ont jusque-là rien reçu comme la ville de Jérémie dans l’académie de Panel Guerrier.
HT: Haiti-Tempo vous remercie d’avoir fait de cette entrevue une réussite. Auriez-vous un dernier mot ou un message en guise de conclusion?
SG: Pour moi ce n’est pas un dernier mot parce que je serai toujours disponible pour répondre à vos questions quand vous en aurez besoin.
Je voudrais juste vous remercier pour le travail que vous faites qui n’est pas facile. Je souhaite que vous laissez les commentaires négatifs vous découragent en bien, l’important est la source de vos informations. Sans vous, personne ne saurait ce que font nos athlètes. C’est pour cette raison on est venu aux USA avec l’émission SportMag. Je profite de cette occasion pour remercier Claude Mancuso qui nous offre la possibilité de mettre en valeur nos sportifs. Guy Elie, qui est comme un mentor derrière les caméras, grâce à lui nous sommes à l’aise dans les émissions. Merci à tout le staff d’Ayiti TV, T-Mobile. Si vous aimeriez nous supporter, n’hésitez pas à nous écrire sur ce courrier ayititvsportmag@gmail.com .
(Propos recueillis par Benson Petit-Clair pour haititempo)