Par Manesson Chery
La sélection haïtienne est une fois de plus sortie trop tôt de la Gold Cup. Avec un seul point au compteur et une nouvelle défaite face aux États-Unis (1-2), les Grenadiers quittent la compétition dès la phase de groupes, sans jamais vraiment peser. C’est la troisième fois consécutive que cela se produit. Et au-delà du résultat, c’est l’impression d’une équipe sans idée, sans fraîcheur et sans véritable plan qui inquiète.
Le constat est dur, mais clair : le groupe n’a pas su répondre à l’intensité du tournoi. L’impact physique, l’organisation collective et même la motivation ont fait défaut. Certains cadres étaient hors du rythme, ce qui reflète moins une question individuelle qu’un malaise collectif. Le projet sportif semble figé, incapable de se renouveler, et l’identité de jeu — qui avait pourtant fait espérer en 2019 — s’est effacée dans la confusion.
Pourtant, dans cette compétition difficile, quelques motifs d’espoir sont apparus. L’entrée en scène de nouveaux visages comme Ruben Providence, Don Deedson Louicius ou encore Danley Jean Jacques a offert un souffle nouveau. Ces jeunes ont montré du cœur, de la technique et une volonté de prouver qu’ils méritent leur place. C’est peut-être là que réside le début d’un renouveau.
Dans le même temps, une autre question essentielle s’impose : où en est la stratégie de la sélection nationale en matière de renouvellement ? Depuis plusieurs années, on parle de la diaspora haïtienne comme d’un réservoir de talents. Et ce n’est pas qu’un concept. Des profils comme Odsonne Édouard (Crystal Palace), Jean-Kévin Augustin, Josué Casimir (Rodez), Jean-Ricner Bellegarde (Wolverhampton) ou Wilson Isidor, récemment promu en Premier League avec Sunderland, en sont des exemples concrets — sans oublier d’autres binationaux, formés dans des contextes professionnels exigeants.
Le message publié par Jean-Ricner Bellegarde sur le compte Instagram Haitifutball va dans ce sens. En appelant à l’unité, à la reconnaissance de l’effort et à la patience, il exprime à la fois son attachement au pays et son envie de s’engager. Il suit l’équipe. Il est prêt à porter le maillot. Mais encore faut-il qu’un cadre existe pour l’intégrer avec sérieux et ambition.
Car si la diaspora est bien présente, elle ne doit pas être intégrée par simple symbolique. La sélection nationale n’est pas une récompense. Elle doit rester un lieu d’exigence et de mérite. Chaque joueur — qu’il soit local ou venu de l’étranger — doit y être appelé sur la base de sa forme actuelle, de son état d’esprit et de son niveau de compétition. La sélection ne peut plus être gérée par loyauté, notoriété ou souvenir. C’est à ce prix que l’on retrouvera une équipe compétitive, capable de répondre aux défis qui l’attendent.
Mais tout cela n’aura de sens que si la Fédération haïtienne de football change de cap. Ce qui manque aujourd’hui, ce ne sont pas seulement des noms ou des idées, mais un projet structuré, une vision de long terme. Il faut créer une cellule technique dédiée à la génération 2026–2030, construire des réseaux de détection à l’étranger et mettre en place des critères transparents et compétitifs pour composer l’équipe. Il est urgent de sortir de l’improvisation permanente.
Pire encore, le lien entre la sélection et ses supporters se détériore à vue d’œil. La frustration se transforme peu à peu en résignation. Sur les réseaux sociaux, dans les discussions d’après-match, chez les anciens joueurs ou les jeunes passionnés, le sentiment est le même : l’équipe nationale n’inspire plus confiance. Les discours vagues, les silences de la FHF, l’absence de communication sérieuse et la répétition des échecs alimentent ce climat d’abandon. La Gold Cup devait être une étape pour préparer les dernières phases éliminatoires de la Coupe du monde 2026. Elle devient un signal d’alarme.
Aujourd’hui, Haïti est à un tournant. Si rien ne change rapidement, si l’on continue à faire les mêmes choix, à ignorer les signaux, à protéger les statuts au lieu de construire une équipe compétitive, alors l’élimination du mois de juin ne sera qu’un avant-goût de ce qui attend la sélection dans les mois à venir. Le football moderne ne récompense pas la nostalgie. Il exige de l’audace, de la rigueur et une remise en question permanente. Le moment est venu d’ouvrir une nouvelle page, de sortir des schémas usés et de faire entrer une nouvelle génération dans le projet national. Les qualités sont là, les ressources humaines existent ; il manque juste une volonté forte de changement. Il reste peu de temps avant les prochains rendez-vous. Mais il reste encore une chance.