Par Douby Jean
Cela fait plus de 5 ans que l’insécurité bat son plein en Haïti. La capitale du pays est devenue un labyrinthe difficile à arpenter. Ce sont les gangs qui dictent les règles. Le football fait partie des secteurs touchés par ce phénomène : des terrains abandonnés, des joueurs contraints de quitter leurs domiciles, des avenirs brûlés par les flammes de l’insécurité. N’est-ce pas l’occasion pour les blocs Nord et Sud de devenir des refuges pour les nouvelles stars du pays ?
Dans certains quartiers, le football était un pont idéal pour tenir les jeunes éloignés de la délinquance. À chaque contrôle, chaque passe, chaque arrêt, chaque dribble, chaque but, ils avaient la possibilité de vivre leur rêve. Le Centre FIFA GOAL à Croix-des-Bouquets permettait à ce cercle restreint de rêver encore plus grand, avec la possibilité de porter fièrement les couleurs de la sélection nationale dès leur plus jeune âge.
Chaque vie trouvait son sens dans cet endroit où l’on ne respirait que le football. Mais la mauvaise gouvernance et la montée en puissance des gangs ont fini par tout éclipser. Le ranch accueillait des centaines de jeunes filles et garçons qui se préparaient du lever au coucher du soleil, toutes catégories confondues, pour les échéances d’Haïti sur la scène internationale. Dommage que tout soit parti en vrille. Il se trouve désormais sous l’emprise des bandes armées.
À maintes reprises, des débats sur la décentralisation ont retenti, même avant que le pays ne sombre aussi bas. Ce fut le cas avec le stade Sylvio Cator, que nos clubs et sélections utilisaient pour accueillir des compétitions internationales. Pourtant, les autres villes, n’étant pas dotées d’une telle infrastructure, ne pouvaient pas se permettre ce luxe. Mais le désir était là : celui de voir le onze national évoluer sur des terrains à Saint-Marc, au Cap-Haïtien, aux Cayes, pour ne citer que celles-là.
Toujours est-il qu’Haïti risque de manquer de talents dans les prochaines années. Le Centre FIFA GOAL était un temple qui réunissait les meilleurs jeunes du pays. Sous les ordres des moniteurs, ils s’entraînaient activement tout en peaufinant leur savoir-faire. Melchie Daëlle Dumornay et Nérilia Mondésir sont des produits de ce centre. Et Haïti risque de rater sa prochaine « Corventina » en raison de la situation actuelle du pays.
Peut-être que d’autres alternatives pourraient voir le jour. À défaut de la Croix-des-Bouquets, pourquoi ne pas doter les blocs Nord et Sud de projets similaires ? Plusieurs jeunes issus des départements avoisinants pourraient rallier la ville des Cayes ou celle du Cap-Haïtien pour vivre leur passion. Et ainsi, lorsque les Grenadiers et Grenadières actuels s’en iront, ils auront de dignes successeurs. Haïti serait également mieux représentée dans les compétitions de jeunes.
En effet, la décentralisation pourrait favoriser l’émergence de nouveaux talents, une autre manière de contourner l’insécurité, en espérant des décisions fermes. Puisque la capitale est bloquée, plusieurs avenirs le sont également, car les meilleures infrastructures s’y trouvent.